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Partie IV : Révision de la LLO : mise en œuvre (Propositions de modification)

Dernière mise à jour : 28 juin 2021



Nous pouvons adopter la plus belle Loi sur les langues officielles qui soit, mais s’il n’existe pas de plan de mise en œuvre, cette loi n’aura pratiquement aucun effet. Lors de la révision de la Loi en 2013, un nouvel article l’article 5.1 a été ajouté à la loi. Cet article qui visait sa mise en œuvre était porteur d’espoir. Malheureusement, comme les prochains paragraphes le démontreront, l’article n’a jamais été suivi par les gouvernements qui se sont succédés et il est vite tombé dans l’oubli et l’indifférence totale.


L’article 5.1 est donc apparu lors de la modification de la Loi en 2013. Le Comité spécial de révision de la LLO explique comme suit les objectifs de cette disposition:


Le comité croit qu’il est important de confirmer dans la loi l’obligation du gouvernement de se doter d’un plan global d’application de la Loi sur les langues officielles. Ce plan devrait présenter un ensemble de moyens pour relever les défis et devrait contenir des mesures novatrices pour favoriser la création d’une culture bilingue au sein de la fonction publique et la progression vers l’égalité réelle des deux communautés linguistiques officielles. Ce plan global devrait aussi préciser des mécanismes à mettre en place afin de permettre au gouvernement de tenir compte de la réalité spécifique de chaque communauté linguistique dans l’élaboration de ses programmes et politiques [je souligne].



L’objectif était noble, mais malheureusement, le résultat comme nous allons le voir n’a jamais atteint les attentes. Analysons l’article 5.1 pour voir ce qu’il contient.


Le paragraphe 5.1(1) prévoit l’élaboration d’un plan établissant les modalités pour assurer le respect des obligations qu’impose la Loi sur les langues officielles. Ce plan doit énoncer les buts et les objectifs afférents aux obligations de la province, ainsi que les mesures propres à assurer l’égalité de statut des deux communautés linguistiques, l’égalité d’usage du français et de l’anglais dans les services publics, la prise en compte de la langue de travail dans la détermination des équipes de travail et l’élaboration des profils linguistiques des postes au sein des services publics. La province doit également proposer dans ce plan des mesures pour améliorer la capacité bilingue de la haute direction des services publics. En outre, elle doit énoncer des mesures relatives à la révision et à l’amélioration des politiques en matière d’affichage public en tenant compte des deux communautés linguistiques et de la composition linguistique d’une région. Finalement, le plan doit prévoir les mesures de rendement employées pour évaluer l’efficacité des mesures appliquées et aux délais impartis pour leurs mises en œuvre.


En vertu du paragraphe 5.1(2), le premier ministre est chargé d’assurer la coordination centrale du Plan et de veiller à sa mise en œuvre. Le paragraphe 5.1(3) prévoit que chaque élément des services publics devra élaborer un plan d’action énonçant les modalités pour l’atteinte des buts et des objectifs et de la mise en œuvre des mesures prévues dans le Plan de la province. Selon le paragraphe 5.1(4), dans les plus brefs délais après la fin d’un exercice financier, les institutions visées par la disposition doivent présenter au premier ministre un rapport des activités entreprises dans le cadre de leurs plans d’action. Le premier ministre est tenu, en application du paragraphe 5.1(5), de présenter chaque année à l’Assemblée législative un rapport concernant les activités entreprises dans le cadre de ce plan.


La Loi sur les langues officielles oblige donc le gouvernement, depuis le 5 décembre 2013, à adopter un Plan de mise en application. Or, ce n’est que le 24 juillet 2015 qu’il se «conformera» à cette obligation[1]. Depuis lors, aucune modification n’a été apportée au plan et aucune mention n’a plus été faite de l’article 5.1. Cet article est demeuré à toute fin pratique une disposition orpheline et oubliée.


Nous allons donc nous attarder un peu au Plan de 2015 qui a « la distinction » d’être le seul plan qui « prétend » suivre les obligations de l’article 5.1.


(i) L’alinéa 5.1(1)a)


Le paragraphe 5.1(1) dispose que la province doit élaborer un plan établissant les modalités de respect des obligations que lui impose la Loi sur les langues officielles. L’alinéa 5.1(1)a) prévoit expressément que le Plan doit énoncer les buts et les objectifs découlant des obligations de la province.


Je n’ai trouvé aucun énoncé clair de ces buts et de ces objectifs dans le plan de 2015. Il est vrai que l’on trouve, à la section intitulée «La vision par secteur d’activités», dans l’axe «langue de service», l’affirmation suivante: «Une offre active et des services de qualité égale, en français ou en anglais, selon le choix du citoyen peu importe où il se trouve dans la province»[2]. Et un peu plus loin: le plan «a comme objectif d’éliminer les lacunes qui persistent. […] Il mettra en relation le constat de la situation à ce jour, les résultats globaux attendus, les objectifs stratégiques et mesurables et les moyens à mettre en place»[3]. Bien que je souscrive à ces objectifs, il me paraît difficile de conclure qu’ils répondent à ce que prévoit l’alinéa 5.1(1)a). Nous étions en droit de nous attendre à ce que le Plan de 2015 déclare clairement d’entrée de jeu la nature des obligations qu’impose la Loi sur les langues officielles – lesquelles ne portent pas uniquement sur la langue de service – et qu’il expose pour chacune de ces obligations les buts et les objectifs de la province.


Au sujet de la langue de service, la province constate que, malgré le fait que plusieurs années se sont écoulées depuis que la politique sur la langue de service[4] a été mise en œuvre, «celle-ci est en grande partie encore mal comprise ou mal appliquée»[5]. La province estime donc que les institutions doivent «continue[r] à mettre en place les mesures nécessaires à une pleine application de la [LLO] en ce qui a trait à la langue de service»[6]. Les moyens qui permettraient de réaliser cet objectif demeurent assez généraux. Ils prévoient, entre autres, que «les ministères et organismes» fassent en sorte que toutes les communications écrites et orales s’effectuent dans la langue choisie par les destinataires, que le principe de l’offre active soit appliqué, que «les ministères et organismes» s’assurent que les capacités linguistiques des employés «sont équilibré[es] pour fournir des services de qualité dans les deux langues officielles», qu’ils prendront les mesures pour veiller à ce que les capacités linguistiques des employés dans l’autre langue officielle soient maintenues ou améliorées et, finalement, qu’ils veilleront à ce que les contrats des fournisseurs de services conclus avec des tiers respectent «les critères de langues» énoncés dans la politique sur la langue de service.


Ce sont là des obligations qui, pour la plupart, existent déjà dans la Loi sur les langues officielles. Le simple fait de les répéter ne constitue en rien leur mise en œuvre comme l’exige l’article 5.1.


(ii) L’alinéa 5.1(1)b)


Suivant l’alinéa 5.1(1)b), la province doit énoncer dans le Plan des mesures propres à assurer l’égalité de statut des deux communautés linguistiques. Il eût été intéressant que les auteurs du plan définissent ce qu’ils comprennent de cet énoncé, mais tel n’a pas été le cas. On renvoie, certes, dans la section intitulée «Fondements juridiques», à la Loi sur l’égalité des deux communautés linguistiques et à l’article 16.1 de la Charte, mais sans plus. L’axe 3, intitulé «Développement des deux communautés linguistiques officielles», est le seul endroit où un renvoi indirect est fait à l’alinéa 5.1(1) b). Or, les objectifs stratégiques 3.1 («le bilinguisme officiel est une valeur fondamentale véhiculée par le gouvernement et ses employés») et 3.3 («le gouvernement tire avantage du bilinguisme officiel pour le développement économique de la province et la création d’emplois») ne me semblent pas très pertinents aux fins de l’application de cet alinéa.


L’objectif stratégique 3.2 est peut-être, à cet égard, plus pertinent. Il prévoit que «[l]a mise en place ou la modification d’une politique ou d’un programme tient compte de l’incidence sur les communautés francophone et anglophone de la province»[7]. Nous constatons dans cet objectif une actualisation du principe de l’égalité réelle. Comme je l’ai déjà expliqué dans un autre texte, l’égalité réelle se réalise lorsqu’on prend en considération les différences dans les caractéristiques et les circonstances de la communauté minoritaire, en offrant des services avec un contenu distinct ou au moyen d’un mode de prestation différent afin d’assurer que la minorité reçoive les services de la même qualité que la majorité[8]. Le Plan de 2015 n’offre toutefois aucune directive concernant la réalisation de cet objectif, si ce n’est qu’il prévoit que «les mémoires présentés au Conseil exécutif contiendront une section qui aborde l’incidence que le programme ou la politique dont il est question peut avoir sur les communautés francophone ou anglophone». Il n’y aucun moyen de savoir si cela est le cas, mais permettez-moi d’en douter.


Le Plan prévoit ensuite qu’on « élaborera un guide pratique pour guider la rédaction de mémoires au Conseil exécutif en ce qui a trait aux langues officielles»[9]. Encore une fois je n’ai aucune connaissance de l’existence d’un tel guide.


(iii) Les alinéas 5.1(1) c) et d)


Les alinéas 5.1(1) c) et d) sont consacrés précisément à la langue de travail. Ils indiquent que la province doit proposer dans le Plan des mesures propres à assurer l’égalité d’usage du français et de l’anglais dans les services publics et à garantir la prise en compte de la langue de travail dans la détermination des équipes de travail au sein des services publics. Le Plan doit élaborer les profils linguistiques des postes dans les services publics.


L’axe 2 du Plan de 2015 traite des alinéas 5.1(1)c) et d). S’agissant des mesures propres à assurer l’égalité d’usage du français et de l’anglais dans les services publics, cet axe prévoit que «tous les employés profitent d’un environnement et d’un climat qui les encouragent à utiliser la langue officielle de leur choix dans le milieu de travail». Pour assurer l’existence de cet environnement et de ce climat, on propose ce qui suit comme moyen: tous «les ministères et organismes [doivent revoir] leurs profils linguistiques de façon à déterminer des mesures à prendre pour permettre à chaque employé de travailler dans la langue de son choix»[10]. Ce moyen peut également servir pour l’application de l’alinéa 5.1(1)d), qui exige que la province précise dans le Plan des mesures propres à assurer la prise en compte de la langue de travail dans la détermination des équipes de travail au sein des services publics et élabore les profils linguistiques des postes dans les services publics. Vu l’absence de détails à ce sujet dans le Plan, il s’avère impossible de procéder à une analyse sérieuse de cet objectif.


La province évoque ensuite la politique gouvernementale sur la langue de travail, qui est en vigueur depuis 2009[11]. Elle note que la «plupart des ministères offrent le droit aux employés de travailler dans la langue de leur choix», mais ils sont également «les premiers à admettre que, dans certains cas, il est très difficile, voire impossible, de travailler dans la langue de son choix si celle-ci est le français»[12]. Les raisons qui expliqueraient cette difficulté des fonctionnaires de travailler en français seraient «les contraintes de temps et la présence de cadres supérieurs unilingues»[13]. On ajoute également que, dans certains cas, devant l’importance ou la complexité d’un dossier, «on demandera que le travail soit fait en anglais, afin d’éviter la traduction»[14].


Au sujet des mesures précises qui permettraient de corriger cette situation, la province propose, entre autres, que «la langue de travail de choix de tous les employés» soit déterminée «notamment en ce qui a trait: aux outils de travail, à l’évaluation de rendement et à la rédaction de document»[15]. Je suppose que les auteurs du Plan ont voulu dire que les employés auront le droit à la fois de choisir la langue officielle dans laquelle ils veulent recevoir leurs outils de travail et leur évaluation de rendement et de choisir la langue dans laquelle ils souhaitent rédiger leurs documents. Chacun de ces éléments se trouve déjà dans la Politique et lignes directrices sur les langues officielles – langue de travail. Il n’y a donc ici aucune nouvelle mesure.


Le Plan 2015 prévoit également qu’«un soutien sera offert aux gestionnaires afin que les employés puissent travailler dans la langue de leur choix»[16], que «les petites réunions se dérouleront de manière à encourager l’utilisation des deux langues officielles», que «les deux langues officielles seront utilisées dans les grandes réunions»[17] et que «les cours de formation destinés aux employés seront offerts dans les deux langues officielles». Il faudrait voir les plans d’action des différents éléments du service public pour savoir si ces mesures reliées à la langue de travail ont effectivement été instaurées, mais à ce jour, ces plans n’ont toujours pas été produits.


En ce qui a trait à la langue de travail, le Plan de 2015 ne prévoit vraiment aucune nouvelle mesure. On se contente essentiellement de reprendre ce qui existe déjà. Pourtant, ce plan présentait une occasion rêvée de créer l’élan irrésistible pour opérer un changement irréversible de mentalité au sein de la fonction publique.


Hélas, nous n’y trouvons aucun engagement clair et manifeste en ce sens!


(iv) L’alinéa 5.1(1) e)


L’alinéa 5.1 (1) e) prévoit que le Plan doit énoncer des mesures propres à améliorer la capacité bilingue de la haute direction au sein des services publics. Le Plan de 2015 indique clairement que la présence de cadres supérieurs unilingues constitue l’un des obstacles persistants au droit de travailler dans sa langue au sein de la fonction publique. Nous aurions donc été en droit de nous attendre à ce que les énoncés concernant le bilinguisme des cadres supérieurs se trouveraient à l’axe 2 – langue de travail. Or, dans ce plan, les deux énoncés qui portent précisément sur cette question se trouvent à l’axe 1 – Langue de service.


Dans son Rapport annuel 2015-2016, la commissaire aux langues officielles, Katherine d’Entremont, écrit à ce sujet:


Selon les représentants gouvernementaux, les mesures liées au bilinguisme des cadres supérieurs ont été placées dans l’axe «Langue de service», car c’est dans ce domaine que l’unilinguisme des cadres causerait le plus de problèmes. En outre, les rédacteurs ont jugé qu’il n’était pas pertinent de répéter ces mesures dans l’axe «Langue de travail».


Cette explication est pour le moins révélatrice d’une certaine incompréhension quant à la réalité sur le terrain. En effet, travailler dans la langue officielle de son choix implique l’aptitude du supérieur à communiquer dans la langue de ses employés[18].


Les objectifs stratégiques 1.2 et 1.3 de l’axe 1 prévoient que seront mises en place des mesures visant à améliorer le bilinguisme «des cadres supérieurs» et «intermédiaires» de la fonction publique. Les moyens (stratégies) mentionnés dans le Plan pour réaliser l’objectif ne font, pour l’essentiel, que répéter l’énoncé de l’objectif. Pourtant, ce plan aurait pu, à ce titre, s’inspirer de l’excellente analyse de la situation à laquelle a procédé la Commissaire d’Entremont dans son Rapport annuel 2014-2015[19].


En effet, dans ce rapport, la Commissaire d’Entremont a accordé une place de choix à la question du bilinguisme chez les hauts fonctionnaires de la fonction publique provinciale. Selon elle, le bilinguisme officiel n’a jamais signifié que tous les employés de l’État doivent parler les deux langues officielles. S’appuyant sur les dernières données gouvernementales, elle montre que seulement 41 % des employés de la fonction publique provinciale doivent être bilingues[20]. Elle se dit surprise de constater un tel état de choses: «Toutefois, on s’attendrait à ce que les premiers responsables de l’application de la LLO, les hauts fonctionnaires, doivent obligatoirement parler les deux langues. Et pourtant, dans la seule province officiellement bilingue au pays, aucune politique, aucune ligne directrice ne le prescrit»[21]. Elle ajoute que plusieurs raisons expliquent ce phénomène et elle les regroupe en quatre catégories qui justifient le fait que le bilinguisme doit constituer une compétence essentielle pour les titulaires des postes de la haute fonction publique:


· pouvoir communiquer avec les deux communautés linguistiques[22];

· veiller à la qualité des services bilingues offerts à la population[23];

· créer un environnement de travail bilingue[24];

· incarner les valeurs fondamentales de la province[25].


La Commissaire d’Entremont n’hésite pas à qualifier la position de la province en ce qui concerne le bilinguisme au sein de la haute fonction publique d’«ambiguë» et de «contradictoire[26]».


La Commissaire recommandait donc que, pour les années 2015-2019, tous les concours et les processus de dotation liés à un poste de sous-ministre ou à un poste de sous-ministre adjoint ou de cadre supérieur prévoient comme exigence préalable la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles ou qu’un engagement soit pris pour acquérir cette compétence dans un délai de trois ans à compter de la date de nomination. À partir de 2020, la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles deviendrait une condition préalable à la nomination d’une personne à l’un quelconque de ces postes. Sans même se donner la peine d’étudier plus en profondeur les propositions de la Commissaire, le gouvernement les a rejetées de manière catégorique et sans appel[27].


Dans son Rapport d’enquête portant sur l’analyse du Plan sur les langues officielles, la Commissaire d’Entremont constate que le Plan ne fixe aucune cible en matière de capacité bilingue des cadres[28]. Elle ajoute que l’alinéa 5.1(1)e) de la Loi sur les langues officielles contraint le gouvernement à se doter de mesures afin d’améliorer la capacité linguistique de la haute direction. Or, puisque le Plan ne prévoit aucune mesure en ce sens, elle conclut qu’il n’est pas conforme à la loi[29]. Elle indique que la seule donnée précise mentionnée dans le Plan relativement au bilinguisme chez les hauts fonctionnaires est le niveau minimal de compétence recherchée en langue seconde, soit le niveau intermédiaire deux plus (2+)[30], niveau qu’elle évalue comme étant trop faible[31].


La Commissaire d’Entremont mentionne ensuite une étude, réalisée par le bureau de conseillers en gestion Goss Gilroy portant sur la formation en langue seconde, qui aborde la question du niveau de compétence en langue seconde exigé chez les fonctionnaires[32], et cite la déclaration suivante: «Les répondants clés indiquent que le niveau 3 est la norme lors de la dotation en personnel bilingue»[33]. Aussi recommande-t-elle, afin d’assurer que la mise en œuvre soit conforme à l’alinéa 5.1(1)e) de la LLO, que le niveau de communication orale 3 «Avancé» soit dorénavant le niveau minimal. Une position diamétralement opposée à celle du premier ministre Higgs qui récemment proposait une diminution des exigences linguistiques pour les fonctionnaires.


Plus loin dans son rapport d’enquête, la Commissaire d’Entremont constate que «travailler dans la langue officielle de son choix implique l’aptitude du superviseur à communiquer dans la langue de ses employés»[34]. En effet, pour qu’un employé puisse se prévaloir de ce droit, il n’est pas suffisant de lui permettre de travailler dans la langue qu’il choisit. Il faut également créer un environnement de travail qui «appuie fermement l’emploi du français et de l’anglais»[35]. Elle écrit:


Pourtant, force est de constater que le Plan encadre très peu de mesures tangibles afin de résoudre les défis suivants:

· La contrainte exercée sur les fonctionnaires francophones par une culture organisationnelle favorisant l’anglais (près de 90 pour cent des documents envoyés au Bureau de traduction par les ministères provinciaux sont rédigés en anglais);

· Les contraintes liées à la maîtrise de la langue française (présence de gestionnaires unilingues anglophones, présence d’employés unilingues anglophones dans des équipes, délais de traduction des documents, non-connaissance des termes spécialisés en français, etc.);

· Le phénomène de l’insécurité linguistique (l’employé estime ne pas maîtriser suffisamment sa langue maternelle), ce qui peut pousser un fonctionnaire francophone à avoir recours à l’anglais afin de s’exprimer[36].


(v) L’alinéa 5.1(1) f)


L’alinéa 5.1(1) f) prévoit que la province doit énoncer des mesures relatives à la révision et à l’amélioration, au besoin, de ses politiques en matière d’affichage public en tenant compte des deux communautés linguistiques et de la composition linguistique d’une région. L’alinéa renvoie à l’article 29 de la LLO, qui prévoit que «tout affichage public et autres publications et communications destinés au grand public et émanant d’une institution sont publiés dans les deux langues officielles». Cet alinéa semble avoir été complètement oublié dans le Plan de 2015 puisqu’aucune mention de la langue de l’affichage public n’y est faite.


(vi) L’alinéa 5.1(1) g)


La dernière exigence du paragraphe 5.1(1) se trouve à l’alinéa g), lequel prévoit que l’on propose dans le Plan des mesures de rendement applicables à l’évaluation de l’efficacité des mesures mises en œuvre dans le cadre du Plan et aux délais impartis pour leur mise en application.


Le Plan prévoit généralement que l’Unité de coordination des langues officielles du Bureau du Conseil exécutif fera annuellement une évaluation des rapports de suivi sur le rendement que lui remettront les ministères et les organismes. Toutefois, il n’est aucunement question de la nature de ces mesures de rendement. À un seul endroit dans le Plan, soit à l’objectif stratégique 1.5 de l’axe 1 – Langue de service, il est fait mention «de mécanismes pour mesurer les progrès en matière de langue de service». Les moyens mentionnés pour réaliser cet objectif se limitent à deux mesures: une évaluation des «commentaires des citoyens» et la préparation d’un «rapport annuel». En ce qui a trait au «rapport annuel», il est déjà prévu aux paragraphes 5.1(4) et (5) de la LLO. Le paragraphe 5.1(1) devait donc faire référence à quelque chose d’autre lorsqu’il mentionne des mesures de rendement. Pour ce qui est des «commentaires des citoyens», je ne vois pas comment cette mesure peut suffire pour s’acquitter de l’obligation prévue à l’alinéa 5.1(1) g). S’en remettre uniquement aux «commentaires de citoyens» est, à mon avis, insuffisant et inefficace. Nous pouvons d’ailleurs nous demander qui récoltera ces commentaires et quelle méthodologie sera utilisée à cette fin. Il convient de préciser que les personnes qui se trouvent en situation minoritaire ne tendent que rarement à porter plainte en cas d’absence de service dans leur langue et que l’absence de plaintes ne représente pas toujours un indice sûr que tout va bien.


S’agissant de l’échéancier fixé pour la réalisation du Plan de 2015, il semble être de cinq années, si nous nous en remettons au gabarit du plan d’action. Or, nous sommes en 2021, et rien ne me convainc que même les objectifs assez généraux de ce plan n’aient été mis en œuvre.


Il est important, à mon avis que des modifications soient apportées à l’article 5.1 pour le rendre plus qu’une simple déclaration d’intention et en faire une véritable mesure de mise en œuvre


Je propose donc les ajouts suivants à la dispositions :


5.1(1) La province s’engage à élaborer un plan annuel établissant les modalités de mises en oeuvre des obligations que lui impose la présente loi, lequel énonce notamment:


a) les buts et les objectifs afférents à ses obligations;


b) les mesures propres à assurer l’égalité de statut des deux communautés linguistiques;


c) les mesures propres à assurer l’égalité d’usage du français et de l’anglais dans les services publics;


d) les mesures propres à assurer la prise en compte de la langue de travail au sein des services publics et l’élaboration des profils linguistiques des postes dans les services publics;


e) les mesures propres à améliorer la capacité bilingue de la haute direction au sein des services publics;


f) les mesures propres à prévoir la révision et l’amélioration, au besoin, de ses politiques en matière d’affichage public en tenant compte des deux communautés linguistiques et de la composition linguistique d’une région;


g) les mesures de rendement affectées à l’évaluation de l’efficacité des mesures appliquées dans le cadre du plan et aux délais impartis pour leur mise en application.


5.1 (2) Le premier ministre est chargé d’assurer la coordination gouvernementale centrale du plan élaboré tel que le prévoit le paragraphe (1) et de veiller à sa mise en application.


5.1 (3) Chaque élément des services publics élabore un plan d’action énonçant les modalités d’atteinte tant des buts et des objectifs que prévoit le plan élaboré tel que le prévoit le paragraphe (1) que de la mise en application des mesures y prévues.


5.1(4) Dans le mois qui suit la fin d’un exercice financier, chaque élément des services publics doivent présenter au premier ministre un rapport des activités entreprises dans le cadre de son plan d’action.


5.1(5) Dans le mois qui suit la fin d’un exercice financier et après réception des rapports que prévoit le paragraphe (4), le premier ministre doit déposer devant le Comité permanent des langues officielles de l’Assemblée législative le rapport des activités entreprises dans le cadre du plan élaboré en vertu du paragraphe (1).


5.1(6) Le Comité permanent des langues officielles de l’Assemblée législative étudie le rapport afin de s’assurer qu’il est conforme et fait le recommandations qu’il considère appropriée. (Il faudra prévoir la création d’un tel comité. J’y reviens dans un autre texte.)


· Je propose également dans la foulée d’une recommandation de la Commissaire d’Entremont que pour les années 2022 à 2025 tous les concours et les processus de dotation liés à un poste de sous-ministre ou à un poste de sous-ministre adjoint ou de cadre supérieur prévoient comme exigence préalable la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles ou qu’un engagement soit pris pour acquérir cette compétence dans un délai de trois ans à compter de la date de nomination, sinon la nomination sera révoquée.


· Qu’à partir de 2025, la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles devienne une condition préalable à la nomination d’une personne à l’un de ces postes.


· Que les compétences linguistiques minimales pour occuper ces postes soient établi à 3.


Dans le prochain texte, j’aborderai les thèmes touchant aux débats et travaux de l’Assemblée législative, la législation et la justice.


[1] Plan sur les langues officielles – Le bilinguisme officiel: une valeur fondamentale, 2015 à la p 1, en ligne: Gouvernement du Nouveau-Brunswick http://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/iga-aig/pdf/Plansurleslanguesofficielleslebilinguismeofficielunevaleurfondamentale.pdf [Plan 2015]. [2] Ibid à la p 5. [3] Ibid à la p 6. [4] Politique et lignes directrices sur les langues officielles – Langue de service, en ligne: Gouvernement du Nouveau-Brunswick<http://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/ministeres/ressources_humaines/notre_sujet/politiques_lignes_directrices/langue_service.html> [Politique – Langue de service]. [5] Plan 2015, 12 à la p 10. [6] Ibid à la p 11. [7] Ibid à la p 14. [8] Voir, notamment, DesRochers c Canada (Industrie), 2009 CSC 8, [2009] 1 RCS 194 [DesRochers]. [9] Plan 2015, supra à la p 14. [10] Plan 2015, supra à la p 12. [11] Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Manuel d’administration, no AD-2919, vol 2, Politique et lignes directrices sur les langues officielles – Langue de travail, en ligne: <http://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/ministeres/ressources_humaines/notre_sujet/politiques_lignes_directrices/langue_travail.html> [Politique – Langue de travail]. [12] Plan 2015, supra à la p 12. [13] Ibid. [14] Ibid. [15] Ibid. [16] «Le gouvernement mettra en place des mécanismes pour améliorer le bilinguisme des cadres supérieurs/intermédiaires dans la fonction publique provinciale, et ce, dans le but de mieux servir le public». [17] Il faut croire qu’une définition existe dans l’usage courant au sein de la fonction publique de ce que les auteurs entendent par les expressions «petites réunions» et «grandes réunions». Nous n’avons toutefois pas été en mesure de la trouver. [18] Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Rapport d’enquête: Analyse du Plan sur les langues officielles – le bilinguisme officiel: une valeur fondamentale, 2015, mars 2016, à la p 57 [Rapport d’enquête – Plan sur les langues officielles, 2015]. [19] Commissariat aux langues officielles du N.-B., Rapport annuel 2014-2015, en ligne: <http://www.languesofficielles.nb.ca/sites/default/files/imce/pdfs/FR/rapport_annuel_2014-2015.pdf> [Rapport annuel 2014-2015]. [20] Ibid à la p 18. [21] Ibid. [22] Ibid à la p 20. [23] Ibid à la p 21. [24] Ibid. [25] Ibid à la p 22. [26] Ibid à la p 24. [27] «Government rejects call for all senior bureaucrats to be bilingual», CBC New Brunswick, en ligne: <http://www.cbc.ca/1.3117111>. [28] Rapport d’enquête – Plan sur les langues officielles, 2015, supra note 39. [29] Ibid à la p 9. [30] Ibid. [31] La Commissaire fait référence à l’échelle de l’évaluation de la compétence orale dans la langue seconde, en ligne: <http://www2.gnb.ca/content/gnb/fr/ministeres/education_postsecondaire_formation_et_travail/Competences/content/FormationDesAdultesEtAlphabetisation/echelle_de_l_evaluationdelacompetenceorale.html>. Cette échelle est la suivante: Novice (0+) compétence axée sur la mémoire De base (1) compétence de base De base plus (1+) compétence de base plus Intermédiaire (2) compétence limitée dans leur seconde langue de travail Intermédiaire plus (2+) compétence limitée dans leur seconde langue de travail Avancé (3) Compétence professionnelle générale Avancé Plus (3+) Compétence professionnelle générale plus Supérieur (4) Compétence professionnelle avancée [32] Rapport sur la révision des services en langue seconde, mars 2011, Goss Gilroy Inc., cité dans Rapport d’enquête – Plan sur les langues officielles, 2015, supra note 39 à la p 10. [33] Rapport d’enquête – Plan sur les langues officielles, 2015, ibid. [34] Ibid à la p 13. [35] Ibid à la p 14. [36] Ibid.

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