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PARTIE XII – RÉVISION DE LA LLO NB : CONCLUSION ET LISTE DES RECOMMANDATIONS
Dernière mise à jour : 2 juil. 2021

Le Nouveau-Brunswick a accompli des progrès énormes en matière de droits linguistiques durant les 50 dernières années. Bien que d’autres provinces reconnaissent certains droits linguistiques et soient assujetties à des obligations législatives ou constitutionnelles, le Nouveau-Brunswick demeure la seule province officiellement bilingue au Canada.
Le Nouveau-Brunswick est bilingue parce que la Constitution et la législation confèrent le statut de langues officielles à la langue anglaise et à la langue française. Il reconnait également le principe de l’égalité de ces deux langues et de leur communauté respective. Ces mesures législatives et constitutionnelles imposent à la province des obligations qui lui sont tout aussi particulières[1].
En 1969, la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick[2] reconnaissait, pour la première fois, que l’anglais et le français avaient un statut équivalent de droit et de privilège et prévoyait l’exercice de certains droits linguistiques. En 1981, le gouvernement provincial adopte la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick[3], laquelle reconnaissait officiellement l’existence et l’égalité des deux communautés de langue officielle et leur droit à des institutions éducatives, culturelles et sociales distinctes. L’année suivante, le gouvernement fédéral procédait au rapatriement de la Constitution canadienne et à l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés[4]. Les autorités gouvernementales du Nouveau-Brunswick décident alors d’inscrire des droits linguistiques dans la Charte, lesquels s’appliquent exclusivement au Nouveau-Brunswick. Ces droits linguistiques sont garantis aux paragraphes 16(2) à 20(2) de la Charte. En 1993, le gouvernement provincial constitutionnalise les principes de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques par l’inscription de l’article 16.1 dans la Charte. Cet article prévoit l’égalité des deux communautés linguistiques, soit l’anglophone et la francophone, et définit le rôle de protection et de promotion de l’égalité de statut des communautés linguistiques officielles qui est expressément confié à la législature et au gouvernement du Nouveau-Brunswick. En 2002, après de nombreuses années de tergiversation, le gouvernement provincial adopte enfin une nouvelle Loi sur les langues officielles[5], laquelle respectera davantage les obligations constitutionnelles de la province.
Le régime de bilinguisme qu’a adopté le Nouveau-Brunswick ne représente pas une forme de bilinguisme personnel, puisqu’il ne vise pas l’acquisition des deux langues officielles par les individus. Personne n’est tenu d’apprendre les deux langues officielles. Il s’agit plutôt d’un bilinguisme institutionnel, lequel vise l’emploi de deux langues par la province et certaines de ses institutions dans la prestation des services publics. Dans un tel régime, l’individu a le choix d’employer l’anglais ou le français dans ses rapports avec les institutions gouvernementales.
Pour bien saisir la nature de ces droits, il est nécessaire de revenir sur quelques principes de base. Le premier est celui de la règle d’interprétation applicable à ces droits. Selon la Cour suprême du Canada, les «droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada»[6]. De plus, l’interprétation des droits linguistiques doit pleinement tenir compte du contexte social pertinent[7].
Le deuxième principe est celui qui veut que les droits linguistiques imposent des obligations positives à l’État: «[C]ela concorde avec l’idée préconisée en droit international que la liberté de choisir est dénuée de sens en l’absence d’un devoir de l’État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques»[8].
De plus, la Cour suprême du Canada rappelle que l’égalité réelle – et non l’égalité formelle – constitue la norme applicable au Canada en matière de droits linguistiques[9]. Le principe d’égalité réelle constitue en fait le fil conducteur de toutes les garanties linguistiques constitutionnelles et législatives. Ce principe est essentiel, car les tribunaux rejettent ainsi l’idée selon laquelle le droit à un service dans une langue officielle ne constitue qu’un simple droit à un accommodement[10]. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que le droit de recevoir des services de qualité égale n’équivaut pas simplement au droit de recevoir un service identique, mais comprend le droit de recevoir un service qui tient compte des besoins particuliers de la communauté minoritaire et qui répond à ces besoins[11].
Le principe de la dualité linguistique, ou le caractère collectif de ces droits constituent une autre composante essentielle des droits linguistiques dont les libellés, au premier regard, ne dévoilent souvent qu’une dimension individuelle. Bon nombre de droits s’exercent en tant que personne membre d’une collectivité ou en raison de l’existence de la collectivité. Pour tout dire, l’un des objets des droits linguistiques est de faire échec à l’assimilation linguistique et culturelle, ne serait-ce qu’en raison du fait que l’assimilation menace non seulement l’individu, mais aussi la communauté linguistique à laquelle cet individu appartient. Deux moyens ont été privilégiés pour contrer les pressions assimilatrices: le développement et le maintien d’un réseau d’institutions, et l’exercice, par les représentants d’une communauté de langue officielle, du pouvoir de gestion et de contrôle de ces institutions, leur permettant ainsi d’exercer une influence réelle sur la protection et l’épanouissement de la communauté.
La protection et le développement des communautés linguistiques en situation minoritaire sont intimement liés au contrôle et à la gestion qu’elles exercent sur leur réseau institutionnel. Le principe de la dualité justifie, sur les plans politique et juridique, non seulement des commissions scolaires de langue française, gérées par la communauté linguistique française de la province, mais aussi des universités de langue française, des collèges communautaires de langue française, des municipalités qui s’affirment comme francophones et des institutions dans le domaine de la santé gérées par la communauté linguistique minoritaire au bénéfice de la communauté linguistique minoritaire.
Que les droits linguistiques soient exprimés comme des droits individuels ou comme des droits collectifs, il n’en demeure pas moins que ce qui justifie leur existence n’est pas nécessairement la protection de l’individu, mais plutôt la préservation d’un patrimoine culturel et de la sécurité culturelle du groupe. Dans la mesure où ils s’exercent en commun avec les autres membres de la communauté, ces droits, de par leur nature même et en raison de leur objet, sont liés à des activités collectives. Ils ont pour but de donner à la communauté minoritaire la possibilité de participer pleinement à la vie publique, sur un pied d’égalité avec le groupe majoritaire. Ils ont également pour but d’éviter l’arbitraire de certaines décisions gouvernementales prises sans tenir compte de la réalité particulière de la communauté minoritaire.
Les droits linguistiques servent à l’épanouissement et au développement d’une communauté, laquelle regroupe l’ensemble des locuteurs d’une même langue. Si tel n’était pas le cas, nous pourrions nous questionner sérieusement sur la nécessité de reconnaître ces droits, puisque les membres individuels de la communauté minoritaire peuvent généralement s’exprimer dans la langue de la majorité. Les droits linguistiques doivent donc nécessairement servir avant tout à favoriser l’épanouissement et le développement des communautés minoritaires de langue officielle ainsi que la progression vers l’égalité réelle.
Or, le cœur du problème en matière d’égalité linguistique, et probablement le plus délicat et le plus difficile à aborder, est celui de l’engagement de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick envers les droits linguistiques. En fait, une communauté linguistique existe lorsque ses membres sentent le besoin de s’engager dans la défense d’une identité commune. Les droits linguistiques cherchent à formaliser l’existence de cette communauté, mais ils n’ont d’effet que si les membres de cette communauté y adhèrent et y croient.
Depuis les années 1960, la minorité linguistique du Nouveau-Brunswick s’est effectivement insérée progressivement dans le fonctionnement de l’État. Cette insertion a mené indubitablement à l’édiction des droits linguistiques tels qu’on les connaît aujourd’hui. Ces droits commandent toutefois vigilance et courage de la part des membres de la collectivité minoritaire, puisque les risques d’assimilation et de non-respect des droits linguistiques sont omniprésents. Les droits linguistiques sont certainement un outil essentiel servant à équilibrer le rapport de force entre le groupe linguistique majoritaire et le groupe linguistique minoritaire. L’État accorde des droits aux individus et, en revanche, il est chargé d’obligations correspondantes, mais le plus important est fort probablement le devoir de chaque individu du groupe linguistique minoritaire d’accepter sa culture, de parler fièrement sa langue et de ne pas hésiter à exiger quotidiennement que les droits qu’ils ont obtenus soient respectés
Au-delà de l’indifférence de nos politiciens vis-à-vis de nos droits, ce qui risque de nous faire le plus mal c’est notre complaisance et notre acceptation du statu quo. Si nous croyons toujours au principe de l’égalité linguistique, nous devons le dire haut et fort et revendiquer à tue-tête le respect de nos droits. Mais, peut-être est-ce déjà trop tard. Je me suis souvent demandé si la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick croyait vraiment au principe de l’égalité des langues officielles et à celui de l’égalité des communautés linguistiques officielles et si la communauté anglophone de la province, par son désintérêt manifeste pour ces questions, a vraiment voulu cette égalité.
J’ai souvent l’impression que les Acadiens et les Acadiennes se comportent, non comme des égaux, mais plutôt comme des locataires qui n’osent pas accrocher un tableau ou peinturer le mur du salon sans l’autorisation du propriétaire qui, dans le cas qui nous intéresse, est la communauté majoritaire. Nous n’avons toujours pas réussi, en tant que communauté, à comprendre que cette province est autant la nôtre que la leur et que nous avons le droit d’exiger que le gouvernement respecte nos droits constitutionnels et législatifs, sans au préalable avoir à demander la permission à quiconque ou à nous excuser parce que nous exerçons nos droits.
Du côté de la communauté majoritaire, il ne s’est jamais installé une véritable culture des langues officielles. On ne semble pas vraiment croire au principe de l’égalité linguistique. On ne s’intéresse que très rarement aux questions portant sur les langues officielles comme si celles-ci n’avaient rien à voir avec eux. Plusieurs membres de cette communauté continuent à croire à des mythes concernant les langues officielles qui n’ont rien à voir avec la réalité. Malheureusement, certains politiciens, dont le premier ministre Higgs, participent à la perpétuation de ces mythes.
Pourtant, n’est-il pas vrai que les articles 16 à 20 et 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les langues officielles et la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles constituent l’ossature sur laquelle les relations entre les deux communautés linguistiques officielles de la province sont construites? Ces dispositions ne constituent-elles pas notre contrat social? Ce sont des textes adoptés par nos parlementaires, la plupart du temps à l’unanimité. Ils définissent nos droits et les obligations du gouvernement envers nous. Ce ne sont ni des hérésies ni des fabulations. Ils ne visent pas la division, mais l’unité. Demander leurs respects ne doit pas être perçu comme un geste honteux.
Si le Nouveau-Brunswick croit réellement au principe de l’égalité réelle contenu dans ces textes, alors il doit cesser de donner l’impression que la majorité linguistique est investie de droits prioritaires et exclusifs; il doit cesser d’agir comme s’il y avait une langue plus officielle que l’autre; il doit accepter le fait que dans cette province les deux communautés de langues officielles sont égales en droit, privilège et statut avec toutes les implications que cela entraîne.
Malheureusement, j’ai souvent l’impression de prêcher dans le désert. J’ai l’impression que l’Acadie du Nouveau-Brunswick a choisi la voie de son autodestruction. Il ne se passe tellement rien en Acadie sur le plan de la recherche de l’égalité linguistique, au point que l’on pourrait penser que la communauté dort à poings fermés. Bien sûr, il y a les activités culturelles d’usage, le Congrès mondial et autres festivals. Ceux qui cherchent un divertissement descendent dans la rue le 15 août dans le but de bien prouver qu’ils sont encore vivants. Mais, en ce qui a trait aux questions politiques qui pourraient avoir un impact important sur la communauté, les Acadiens et Acadiennes semblent absents. Nous devons faire en sorte que notre langue et notre culture soient vivantes et rayonnantes tous les jours de l’année et partout, et non une simple curiosité historique que l’on montre une fois par année lors du grand tintamarre du 15 août.
Si nous semblons dormir si bien par les temps qui courent, c’est peut-être parce que les hypnotiseurs ont bien travaillé. En effet, ils sont nombreux et ils n’ont jamais hésité à unir leurs efforts pour nous maintenir dans une douce léthargie. Comme je l’ai dit au début, la marche de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick depuis 1960 est certes remarquable. Aucune autre communauté minoritaire au Canada, à l’exception peut-être de la communauté anglophone du Québec, ne possède autant d’institutions et de protections juridiques. Toutefois, nous devons nous rappeler que le simple fait d’affirmer notre désir d’être considérés comme des partenaires égaux ne veut pas dire que l’égalité existe pour autant. L’égalité n’apparaît pas comme par enchantement parce que nous décidons qu’il doit en être ainsi. L’égalité s’acquiert, et si le gouvernement reconnaît son importance en l’inscrivant dans la loi suprême du pays, il ne doit pas en faire un discours politique vide de sens, mais un objectif à atteindre. Il doit prendre des mesures positives pour assurer le développement et l’épanouissement de la communauté acadienne, de sa langue et de sa culture.
Or, en écoutant les discours politiques, je constate que dans ceux-ci l’égalité n’a pas cet objectif. Pour les tenants de ces discours, il n’existe pas d’inégalité linguistique dans la province et si on observe une inégalité, elle ne tient que du hasard et ne peut distinguer entre un francophone et un anglophone.
Pourtant lorsqu’on légifère sur la question de l’égalité, c’est normalement parce qu’on reconnaît, du moins en principe, qu’il existe une inégalité, sinon pourquoi le faire. Lorsqu’on parle de parité salariale entre les hommes et les femmes ou de l’égalité entre les sexes, c’est parce que l’on reconnaît que pendant trop longtemps les femmes n’ont pas été traitées sur un pied d’égalité. Ce n’est certainement pas pour permettre aux hommes de perpétuer l’inégalité. La correction que l’on cherche à apporter est claire : assurer à tout citoyen, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, un traitement égal. Le simple fait de reconnaître cet objectif n’assure pas, en soi que l’égalité réelle existe. Il faut une action positive de la part de nos gouvernements pour que cette égalité se réalise.
Bien à l’aise dans le discours politique officiel, les Acadiens et Acadiennes semblent oublier le principe de l’égalité réelle. Ils sont de plus en plus nombreux à se désintéresser de la dimension linguistique. Ils baignent dans un faux sentiment de sécurité linguistique et culturelle. Ils se sentent bien dans la dialectique du bilinguisme que leur présente un discours faussement unificateur. Il n’existe plus à leurs yeux de différence entre un Néo-Brunswickois de Caraquet et un de Sussex. Ils sont tous les deux égaux en droit, statut et privilège. Pourtant, nous savons que la réalité est bien différente.
Ce qui est très singulier, c’est que ce sont les tribunaux qui semblent avoir joué le rôle dominant dans l’élaboration de la philosophie de base qui anime les droits linguistiques. Ce sont les tribunaux qui ont défini la communauté de valeurs auxquelles nous adhérons. Ce sont les tribunaux qui ont défini les réalités culturelles fondamentales et l’héritage que l’on veut préserver. Les tribunaux ont établi les fondements philosophiques des garanties linguistiques. Pourtant, ce rôle ne devrait-il par revenir au gouvernement? Mais, pour que ce soit le cas, faut-il encore que le gouvernement croie à ces valeurs. Malheureusement, je ne suis pas convaincu que c’est le cas.
Ce qu’il nous faut maintenant se dont des hommes et des femmes politiques prêts à agir dans le respect des droits constitutionnels et législatifs que nous avons acquis. Je suis convaincu que si les obligations linguistiques de la province étaient pleinement respectées, si nos gouvernements cessaient de vivre dans l’illégalité à notre égard, alors nous pourrions commencer à parler d’une égalité réelle.
D’ailleurs, toutes nos revendications doivent se traduire par cette seule expression : égalité réelle, ni plus, ni moins. Nous devons, à titre de communauté, démontrer une volonté ferme, inébranlable et solidaire d’atteindre, envers et contre tous, cette égalité. Sinon, nous devrons dans un avenir pas trop lointain saluer avec tristesse ce que nous aurions pu être…
Puisque je n’ai pas le choix, je vais aborder la question de l’apprentissage de langue seconde pour les jeunes anglophones. Je débute tout en répétant que cette question n’a rien à voir avec la révision de la Loi sur les langues officielles. Cette question doit être abordée par la communauté anglophone et c’est elle qui doit se demander pourquoi, plus de 50 ans après l’adoption de la première loi, l’apprentissage du français ne s’est pas amélioré. Je me permets cependant d’ajouter que si j’étais un jeune anglophone, je ne ressentirais aucune pression pour apprendre le français. En effet, avec une lieutenante-gouverneure, un premier ministre, des ministres, des députés et de hauts-fonctionnaires unilingues anglophones à quoi sert d’apprendre le français, une langue qui, de plus, est complètement absente du paysage linguistique et des médias. Si on veut rendre l’apprentissage du français attrayant pour ces jeunes, commençons par changer la culture d’unilinguisme qui domine dans notre province. On doit cesser de percevoir le français comme une simple langue de traduction et la considérer sur un pied d’égalité avec l’anglais.
J’espère que les quelques réflexions que j’ai partagées avec ceux et celles qui ont voulu se donner la peine de les lire vous auront convaincu de l’importance des droits linguistes et de l’importance du processus actuel de révision de la Loi sur les langues officielles. Cette opportunité de réviser la loi ne se présente que tous les dix ans et il ne faut pas rater le bateau bien que dans le processus actuel nous pouvons dire que le bateau est sur le point de lâcher les amarres alors que nous n’avons même pas encore terminé notre enregistrement. Une révision de la loi ne survient que tous les dix ans et en 2031, qui sait où notre communauté sera rendue.
Quoiqu’il en soit, avant de résumer les recommandations que j’ai faites dans les onze parties précédentes, permettez-moi, peut-être pour une dernière fois, d’exprimer mon attachement à ma langue, à ma culture, à mon acadienneté et de dire que durant mes 65 ans j’aurais fait ce que j’ai pu pour en assurer la pérennité. Pour le reste, c’est hors de mon contrôle ….
LISTES DES RECOMMANDATIONS POUR UNE MODIFICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES
Propositions liminaires
· Une reconnaissance que la langue française est en situation de vulnérabilité dans la province et engagement de la part du gouvernement et de ses institutions de protéger et d’appuyer la langue française et les institutions de la communauté francophone.
· Que le gouvernement provincial prenne l’engagement d’appuyer les secteurs clés pour la vitalité de la communauté francophone (par exemple l’éducation, dans le postsecondaire, la santé, les foyers de soins, la culture, la justice, etc…) et pour protéger et favoriser dans ces secteurs la présence d’institutions fortes pour la communauté francophone.
· Que le gouvernement provincial adopte une politique sur l’immigration francophone en collaboration avec les représentants de la communauté francophone de la province.
Fusion de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques et de la Loi sur les langues officielles
· Reconnaissant le caractère unique du Nouveau-Brunswick, la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise sont officiellement reconnues dans le contexte d’une seule province à toutes fins auxquelles s’étend l’autorité du gouvernement et de la Législature du Nouveau-Brunswick; l’égalité de statut et l’égalité des droits et privilèges de ces deux communautés sont affirmées.
· Le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’engage à assurer la protection de l’égalité de statut et de l’égalité des droits et privilèges des communautés linguistiques officielles et en particulier de leurs droits à des institutions distinctes où peuvent se dérouler des activités culturelles, éducationnelles et sociales.
· Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, dans les mesures législatives qu’il propose, dans la répartition des ressources publiques et dans ses politiques et programmes, prendra des mesures positives pour assurer le développement culturel, économique, éducationnel et social des communautés linguistiques officielles.
Mise-en-œuvre de la Loi sur les langues officielles
· Révision de l’article 5.1 de la Loi sur les langues officielles afin d’assurer son respect et sa pleine mise-en-œuvre.
· Que pour les années 2022 à 2025 tous les concours et les processus de dotation liés à un poste de sous-ministre ou à un poste de sous-ministre adjoint ou de cadre supérieur prévoient comme exigence préalable la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles ou qu’un engagement soit pris pour acquérir cette compétence dans un délai de trois ans à compter de la date de nomination, sinon la nomination sera révoquée.
· Qu’à partir de 2025, la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles devienne une condition préalable à la nomination d’une personne à l’un de ces postes.
· Que les compétences linguistiques minimales pour occuper ces postes soient établies à 3, selon la norme de compétence linguistique de la province.
Bilinguisme parlementaire
· Que la loi prévoit que lors d’annonces gouvernementales ou des conférences de presse du gouvernement du Nouveau-Brunswick, que l’on s’assure d’un usage équilibré des deux langues officielles de la province.
· Que la capacité de parler et de comprendre les deux langues officielles soit une condition préalable à la nomination d’une personne à l’un des postes d’agents de l’Assemblée législative.
Bilinguisme législatif
· Revoir le libellé des articles 9 et 10 de la Loi sur les langues officielles afin de s’assurer qu’aucune ambiguïté n’existe et qu’il soit clair que l’intention est d’englober l’ensemble de la législation qui inclut les lois et les règlements.
· Que l’article 11 de la Loi sur les langues officielles soit modifié afin de prévoir que dans l’interprétation des documents officiels, projets de loi, lois, règlements municipaux, écrits, procès-verbaux, rapports, motions, avis, annonces, pièces, conventions collectives liant le gouvernement ou une institution du gouvernement ou autres écrits, les deux versions des langues officielles font pareillement autorité.
· Qu’un Comité permanent des langues officielles soit créé. Le Comité sera composé de représentants des partis politiques représentés à l’Assemblée législative.
Bilinguisme judiciaire
· Que la Loi sur les langues officielles prévoit l’élaboration d’un test afin d’évaluer les aptitudes linguistiques des personnes désirant être nommées à la magistrature au Nouveau-Brunswick.
· Que dans une affaire civile dont est saisi un tribunal et à laquelle est partie Sa Majesté du chef du Nouveau-Brunswick, une institution ou une municipalité désignée aux termes de l’article 35 de la Loi sur les langues officielles, Sa Majesté, l’institution ou la municipalité utilisent, pour les plaidoiries orales et écrites et pour les actes de procédure qui en découlent, la langue officielle choisie par la partie civile.
· Que les correctifs nécessaires soient apportés aux articles 24, 25 et 26 de la Loi sur les langues officielles.
· Que la Loi sur les langues officielles soit modifiée afin de reconnaître que les deux versions linguistiques des décisions ou ordonnances des tribunaux ont également force de loi ou même valeur.
Communication avec le public
· Que toute modification à la Loi sur les langues officielles qui imposerait la notion de « délai raisonnable » ou de « sans délai indu » pour obtenir des services gouvernementaux dans la langue officielle de son choix soit rejetée et que cette mention soit également retirée de la Politique – langue de service;
· Que la Politique – langue de service soit revue et corrigée afin de la rendre conforme aux obligations reconnues dans la Charte et dans la Loi sur les langues officielles.
· Que le gouvernement se dote d’une politique sur la langue de service conforme à ses obligations linguistiques en vertu de la Charte et de la Loi sur les langues officielles en ce qui concerne l’utilisation des médias sociaux et des nouvelles technologies.
· Que la Loi sur les langues officielles prévoit l’élaboration par le gouvernement d’une stratégie axée sur la planification des besoins, la détermination des objectifs, la formation des employés et la mise en place de mécanismes d’application et de contrôle afin d’assurer la prestation de services de qualité égale dans les deux langues officielles.
· Qu’une campagne d’information et d’éducation soit entreprise auprès des employés des institutions de la province afin de les sensibiliser à l’importance du concept « d’offre active » et des obligations qui en découlent.
· Que les modifications nécessaires soient apportées à la Politique sur la langue de service afin de s’assurer que celle-ci soit conforme aux obligations du gouvernement en matière « d’offre active. »
· Que la Loi sur les langues officielles prévoit l’obligation pour la province de se doter d’une politique équilibrée sur l’affichage gouvernemental qui respecterait pleinement le principe d’égalité des deux langues officielles et qui tiendrait compte de la réalité linguistique des régions.
· Que la Loi sur les langues officielles soit modifiée afin d’y prévoir une disposition qui prévoit l’obligation pour l’institution gouvernementale de prévoir que les contrats avec des tiers comprennent des clauses détaillées énonçant clairement les responsabilités et les obligations des parties en vertu de Loi sur les langues officielles.
· Que les entreprises franchisées, que ce soit des agents ou des points de vente, qui agissent pour le compte d’une institution de la province soient soumises aux obligations prévues dans la Loi sur les langues officielles et que cette obligation soit clairement définie dans le contrat de franchise ou de points de vente.
· Que le paragraphe 31(2) de la Loi sur les langues officielles soit modifié afin d’enlever le bout de phrase « dans un délai raisonnable ».
· Que le paragraphe 31 (4) soit abrogé.
· Que le libellé du paragraphe 31(1) soit modifié afin d’y nommer précisément les services de police, qui inclut les services offerts par des non-policiers.
Langue de travail
. Que la politique du gouvernement provincial en matière d’exigence de compétences linguistiques pour ses employés doit être révisée afin d’assurer un service de qualité égale dans les deux langues officielles et d’assurer sa conformité aux obligations législatives et constitutionnelles.
·Que la Loi sur les langues officielles soit modifiée afin de reconnaître :
o que le français et l’anglais sont les langues de travail des institutions provinciales et les fonctionnaires ont le droit d’utiliser, l’une ou l’autre de ces deux langues officielles dans l’exercice de leurs fonctions.
o qu’ il incombe aux institutions de s’assurer à ce que le milieu de travail soit propices à l’usage effectif des deux langues officielles.
o qu’il incombe aux institutions:
§ de fournir à leur personnel les outils de travail et documentation qui respectent la langue officielle choisit par l’employé;
§ de s’assurer que les systèmes informatiques puissent être utilisés dans l’une ou l’autre des langues officielles;
§ de s’assurer que, les supérieurs soient aptes à communiquer avec leurs subordonnés dans la langue officielle choisit par ces derniers et à ce que la haute direction soit en mesure de fonctionner dans ces deux langues.
§ de s’assurer que soient prises toutes autres mesures possibles permettant de créer et de maintenir un milieu de travail propice à l’usage effectif des deux langues officielles et qui permette aux employés d’utiliser l’une ou l’autre de ces deux langues officielles dans l’exercice de leurs fonctions.
· Que le gouvernement s’engage à veiller à ce que les Néo-Brunswickois d’expression française et d’expression anglaise aient des chances égales d’emploi et d’avancement dans les institutions provinciales dans le respect des droits du citoyen de recevoir les services dans la langue officielle de son choix.
· Que le gouvernement s’engage à veiller à ce que les effectifs des institutions provinciales tendent à refléter la présence au Nouveau-Brunswick des deux collectivités de langue officielle.
· Que le gouvernement s’engage à veiller à ce que les compétences linguistiques de ses employés soient évaluées régulièrement à partir de test de compétence objectif.
· Que le gouvernement s’engage à veiller à ce que la compétence linguistique pour un poste soit déterminée à l’avance à partir de critère objectif et non sur la base de la compétence de l’équipe de travail.
· Que le droit du public d’être servi dans la langue ait préséance sur le droit du fonctionnaire de travailler dans la langue officielle de son choix.
Santé et Foyers de soins
· Que le paragraphe 33(1) de la Loi sur les langues officielles soit remplacé par une disposition qui prévoit qu’aux fins de la prestation des soins de santé dans la province, tous les établissements, installations et programmes de santé relevant du ministère de la Santé ou des régies régionales de la santé et qui sont établies en vertu de la Loi sur les régies régionales de la santé doivent s’assurer qu’en tout temps ils sont en mesure d’offrir tous leurs services au public dans les deux langues officielles.
· Que les tiers, dont notamment Ambulance Nouveau-Brunswick, les services extramuraux ou toutes autres organisations offrant des services destinés au public pour le compte du ministère de la Santé ou des régies régionales de la santé établies en vertu de la Loi sur les régies régionales de la santé doivent s’assurer que ces services sont offerts, sans délai, dans les deux langues officielles.
· Que le paragraphe 19(3) de la Loi sur les régies régionales de la santé qui prévoit que les deux régies régionales de la santé ont la responsabilité d’améliorer la prestation des services de santé en français soit incorporé à la Loi sur les langues officielles.
· Que la Loi sur les langues officielles prévoit que la province a l’obligation de s’assurer que des foyers de soins offrent des services dans l’une ou l’autre des langues officielles dans toutes les régions de santé de la province de façon à répondre aux besoins des deux communautés de langues officielles.
· Que le gouvernement adopte les mesures nécessaires pour définir clairement les obligations linguistiques auxquelles doivent se soumettre les foyers de soins qui désirent se définir comme bilingue et que celles-ci assurent un traitement égal des deux langues officielles et que le gouvernement s’assure que l’établissement désigné bilingue est doté d’espace distinct où des activités culturelles, récréatives ou de formation puissent se dérouler dans l’une ou l’autre langue officielle.
· Que le gouvernement favorise l’établissement de foyers de soins linguistiquement homogènes.
· Que lors du placement d’une personne dans un foyer de soins, il sera tenu compte de ses préférences linguistiques.
Associations professionnelles
· Que les associations professionnelles aient l’obligation de déposer annuellement un rapport auprès du premier ministre et du Commissariat aux langues officielles dans lequel elles énumèrent les moyens mis en œuvre pour assurer le respect de leurs obligations linguistiques;
· Qu’une association professionnelle qui omettrait de se confirmer à ses obligations linguistiques pourrait voir ses activités suspendues jusqu’à ce que les corrections nécessaires soient faites.
Commissaires aux langues officielles et recours
· Que toutes dérogations au processus de sélection du commissaire aux langues officielles soient justifiées et approuvées par l’Assemblée législative ;
· Que si le comité de sélection doit mettre fin à ses travaux, qu’il donne les raisons qui justifient cette décision et qu’un nouveau comité soit constitué dans les dix (10) jours qui suivent ;
· Que le mandat d’un commissaire aux langues officielles par intérim n’excède pas un an, sauf pour des raisons exceptionnelles qui seront déposées à l’Assemblée législative.
· Que dans les trente (30) jours suivant la réception des résultats de l’enquête, l’administrateur général ou tout autre responsable administratif de l’institution concernée fasse parvenir au commissaire aux langues officielles une réponse écrite précisant les moyens pris ou qui seront pris pour se conformer aux recommandations du rapport d’enquête ou si aucune mesure n’a été prise ni envisagée, les raisons pour ne pas donner suite à ses recommandations.
· Que toute omission de se conformer à cette exigence puisse faire l’objet d’une sanction pécuniaire qui sera établie par règlement ou que le commissaire puisse faire une demande à la Cour du Banc de la Reine pour une ordonnance enjoignant l’institution de fournir la réponse.
· Que le premier ministre, le ministre responsable de l’application de la loi, dépose à l’Assemblée législative, dans les trente (30) jours qui suivent le dépôt du rapport annuel, une réponse écrite dans laquelle il explique ce que le gouvernement entend faire pour donner suite au rapport annuel ou, le cas échéant, expliquant pourquoi il n’entend pas y donner suite.
· Que les institutions et organismes qui sont en contravention récurrente de leurs obligations sous la loi puissent être tenus de conclure des accords de conformité avec le Commissariat aux langues officielles en suivant les modalités proposées dans le projet de loi du gouvernement canadien.
· Que le recours pour une violation d’un droit prévu dans la Loi sur les langues officielles puisse être introduit par avis de requête comme prévu dans les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick.
· Que les frais et dépens ne puissent, dans une cause portant sur une violation de la Loi sur les langues officielles, être accordés au gouvernement, à une de ses institutions, à des municipalités, ou à des tiers agissant pour le gouvernement que s’il est démontré que l’action est frivole ou vexatoire.
· Que dans les cas où il estime que l’objet du recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, le tribunal accorde les frais et dépens à l’auteur du recours, même s’il est débouté.
· Que le rapport et le dossier d’enquête du commissaire, une fois déposé en cour, constituent une preuve de prime abord d’une violation de la loi et qu’il incombe alors à l’institution d’établir qu’elle n’a pas enfreint celle-ci.
· Que le commissaire puisse exercer un recours devant les tribunaux pour faire respecter la Loi sur les langues officielles.
· Qu’il soit interdit d’exercer des représailles, de faire de la discrimination ou de proférer des menaces contre un plaignant ou toute autre personne ou d’en ordonner l’exercice du fait que le plaignant a déposé de bonne foi une plainte auprès du commissaire ou que le plaignant ou toute autre personne a collaboré à l’enquête que prévoit la présente loi.
· Que toute personne ou institution qui enfreint le précédent paragraphe est passible, sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu de la procédure prévue dans la Loi sur la procédure applicable aux infractions provinciales, LN-B 1987, c P-22.1, d’une amende pouvant aller de 5 000 à 25 000$.
· Que le commissaire ou quiconque occupe un poste ou remplit des fonctions relevant de lui ne puisse faire l’objet d’une instance civile ou pénale ou d’une révision judiciaire du fait d’actes qu’il peut accomplir, de rapports qu’il peut présenter ou de propos qu’il peut tenir dans l’exercice effectif ou censé tel de l’une des fonctions que lui attribue la présente loi, que cette fonction ait relevée ou non de sa compétence, sauf preuve établissant que ce dernier a agi de mauvaise foi.
Finalement , prochaine révision de la Loi
· Que le premier ministre entreprenne la révision de la présente loi et dépose un projet de loi avec les révisions au plus tard le 31 décembre 2031.
[1] Charlebois c Moncton (Ville), 2001 NBCA 117, 242 RNB (2e) 259 au para 8 [Charlebois c Moncton]. [2] Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, LRN-B 1973, c O-1. [3] Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick, LN-B 1981, c O-1.1. [4] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11. [5] Loi sur les langues officielles, LN-B 2002, c O-0.5. [6] R c Beaulac, [1999] 1 RCS 768 au para 25, 173 DLR (4e) 193 [Beaulac]. [7] Charlebois c Moncton, supra. [8] Beaulac, supra au para 20. [9] Ibid au para 22. [10] Voir, généralement, Beaulac, ibid. [11] Voir par exemple Arsenault-Cameron c Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 RCS 3; DesRochers c Canada (Industrie), 2009 CSC 8, [2009] 1 RCS 194.